Paix au Sud-Soudan : ce que la visite du pape peut apporter

La coordinatrice de Mission 21 Florence Hakim accueille le pape à Juba, février 2023

La coordinatrice de Mission 21 Florence Guliba Hakim recevant le pape à Juba, février 2023. Photo Silvano Yokwe

Notre coordinatrice au Sud-Soudan a eu l'occasion de saluer personnellement le pape lors de sa présence à Juba en février. Elle nous raconte l'impact de cette visite sur le processus de paix qui piétine.

Florence Guliba Hakim, peu de gens ont l'occasion de parler au pape. Comment cela s'est-il passé ?

En tant que collaboratrice de Mission 21, je suis membre d'un groupe qui soutient la Fédération des Églises du Sud-Soudan (SSCC) dans son travail. Le Vatican a choisi cinq personnes, c'est-à-dire les représentantes des organisations dans ce groupe. Mon nom en faisait partie. Un grand honneur pour moi. Une telle opportunité ne se présente qu'une fois dans la vie, voire jamais. J'ai été heureuse de pouvoir rencontrer le pape et de m'entretenir avec lui.

Vous avez pu faire part d'une préoccupation lors des salutations. Qu'avez-vous dit au pape ?

J'ai d'abord exprimé combien j'apprécie la visite du pape au Sud-Soudan. Ensuite, j'ai dit combien il était important que le pape s'entretienne avec le président Salva Kiir et le vice-président Riek Machar. Je suis moi-même né et j'ai grandi dans la guerre, et maintenant mes enfants grandissent aussi dans la guerre. J'ai rappelé qu'en 2019, les deux dirigeants politiques se sont engagés au Vatican à œuvrer pour une paix durable au Soudan du Sud. Il est important de le leur rappeler. Le pape a répondu que c'était précisément pour cela qu'il était ici au Soudan du Sud. Et il m'a offert un chapelet.

Quel peut être l'impact réel de la visite du pape ?

Il est plus qu'un signal. Cela s'est déjà manifesté la veille de l'accueil officiel. Le président a publié un communiqué dans lequel il s'engage à reprendre les discussions sur l'accord de paix de 2018.

Qu'est-ce que cela signifie concrètement ?

Un accord de paix a été élaboré en 2018. Mais toutes les parties au conflit ne l'ont toujours pas signé. Les discussions ont été interrompues, il y avait beaucoup de méfiance de part et d'autre. Le fait qu'il y ait désormais des efforts pour réintégrer les parties qui n'ont pas encore signé est un progrès.

Cette assurance, ou même la visite du pape en elle-même, a-t-elle un effet immédiat sur la vie des gens au Sud-Soudan ?

Nous verrons bien. Le jour même où la déclaration du président a été publiée, une éruption de violence entre agriculteurs et bergers a également eu lieu, faisant plus de 20 morts. La situation reste donc très tendue. Mais le jour de la visite du pape lui-même a certainement été un jour d'espoir. Des personnes de toutes les régions du pays et de différentes dénominations se sont rassemblées. Des personnes qui, sinon, célébraient leurs offices séparément, ont prié ensemble. Certains ont entrepris un voyage à pied dangereux de dix jours jusqu'à Juba pour être présents. Il était également important que la visite du pape attire une certaine attention internationale sur le Sud-Soudan. De plus, il a vraiment pu entrer en contact avec la population civile et se faire une idée de la vie au Sud-Soudan.

Comment ce contact a-t-il été établi ?

Des personnes déplacées par la guerre, appelées IDP (Internal Displaces Persons/personnes déplacées à l'intérieur du pays), étaient notamment invitées à l'accueil. Le pape a entendu leurs histoires. Une fillette de douze ans a notamment parlé de sa vie dans un camp IDP et de son parcours. Il est apparu clairement qu'elle n'appartenait à nulle part, qu'elle n'avait pas de papiers. C'était très émouvant pour toutes les personnes présentes. Lorsque le pape a ensuite pris la parole, il a déclaré que le président devrait faire de la paix une priorité, et ce maintenant et pas plus tard.

Que signifie la visite du pape pour nos organisations partenaires ?

Pour nos partenaires, la visite du pape a une signification importante. Elle donne à la Fédération des Eglises du Sud-Soudan une voix morale forte pour s'engager et travailler en faveur de la paix et de la réconciliation dans le pays. Elles peuvent prendre des mesures concrètes à cet effet. Par exemple, la SSCC peut continuer à organiser des talk-shows radiophoniques. Ces entretiens porteront sur ce que les gens attendent des hommes politiques après la visite du pape, sur les promesses qui ont été tenues et celles qui ne l'ont pas été. Les dirigeants politiques l'entendent également et découvrent ainsi ce qui préoccupe les gens.

Entretien : Miriam Glass, Mission 21

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