La chercheuse indienne Parinitha Shetty s'est penchée sur l'histoire de la Mission de Bâle dans le sud de l'Inde - et affirme que la présence de la mission a marqué la société indienne jusqu'à aujourd'hui.
Parinitha Shetty, je vous ai apporté cette photographie issue des archives de recherche de Mission 21. Connaissez-vous cette photo ?
Oui, elle montre une école de brahmanes. C'était la première école que la Mission de Bâle proposait aux filles - uniquement aux élèves de la caste supérieure. C'était inhabituel.
Pourquoi ?
Au 19e siècle déjà, la mission bâloise contournait les règles des castes et laissait surtout les garçons de différentes castes fréquenter la même classe. Cela ne plaisait pas aux familles de la caste supérieure. Elles ne voulaient pas que les enfants soient assis dans la même pièce. Les missionnaires n'ont pas respecté cette règle et les parents ont retiré leurs enfants de l'école.
Les missionnaires ont persévéré - et après quelques jours, les enfants sont revenus. Ils avaient besoin de l'anglais qu'ils apprenaient à l'école pour pouvoir apprendre un métier colonial.
L'école réservée à la caste des brahmanes* était donc une exception.
Les missionnaires avaient intérêt à ce que les membres des castes supérieures se convertissent. Mais ils avaient l'impression que de nombreux garçons ne le faisaient pas parce que les femmes de leur foyer les en empêchaient. En initiant les filles de la caste supérieure au christianisme, ils espéraient que leurs futurs maris et fils se convertiraient plus facilement.
Malgré cela, vous dites que les écoles missionnaires ont contribué à la dissolution du système des castes en Inde. Quel impact cela a-t-il sur le présent ?
Pour nous, il est aujourd'hui naturel d'entrer dans une salle de classe où différentes castes sont assises ensemble.
Je pense que les écoles de la Mission de Bâle ont joué un rôle important dans ce changement. L'idée que des enfants de différentes castes se retrouvent dans une même pièce et soient éduqués de la même manière était radicale pour l'époque, au milieu du 19e siècle.
Le fait que les filles puissent aller à l'école était-il aussi radical ?
Oui.
Quelle influence cela a-t-il sur la situation actuelle en Inde ?
Le fait que les femmes puissent aller à l'école et recevoir une formation a été rendu possible par le système éducatif des missionnaires. Les missionnaires ont fondé les premières écoles de filles en Inde - le gouvernement colonial n'a commencé à le faire que bien plus tard.
Quels sont les problèmes auxquels sont confrontées les filles et les femmes en Inde aujourd'hui ?
L'éducation est devenue plus acceptable. Le problème réside plutôt dans le fait que les femmes n'obtiennent pas de diplôme supérieur parce que le mariage est considéré comme plus important pour les femmes et que de nombreuses femmes sont encore mariées très jeunes.
Dans votre recherche, vous faites un rapport remarquablement positif sur la Mission de Bâle.
Oui, je suis un peu polémique à ce sujet. Bien sûr, il y a aussi le revers de la médaille - je l'apporte aussi dans mes études. Mais de nombreuses réformes et mesures éducatives prises par le colonialisme et les missionnaires ont amélioré la situation en Inde, en particulier pour les femmes et les personnes de castes inférieures. En tant que femme, je suis heureuse que ces changements aient eu lieu.
Entretien : Emilie Buri
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